Vivre une vie extrême No 33 - Journaux intimes de Monsieur Yamano
Vendredi 19 octobre 2001
Le mot de « condamné à mort » évoque un être dangereux et brutal ou un détenu dans sa cellule angoissé par la peur de l’exécution. Nombreux en réalité sont des condamnés à mort positifs qui s’efforcent de trouver une raison de vivre à la vie carcérale, de faire tout ce que l’on leur a autorisé à faire. Il y a bien sûr des pauvres qui passent leurs journées à regarder dans le vide ou des drôles de personnes. Mais la plupart des condamnés sont des gens comme vous. Ils semblent se repentir de leurs crimes. S’ils étaient ainsi enfermés pendant des années et avaient à faire face à leur passé tous les jours, ils finiraient par perdre l’équilibre mental et le goût pour la vie. Aussi sincère que soit leur repentir, avoir à regarder tous les jours leurs fautes rendrait leur vie impossible, ce qui les conduit à penser à d’autres choses que la mort ou à se concentrer sur d’autres choses que la mort.
Hasard, milieu, destin, autant d’éléments qui ont eu une influence sur eux et qui les ont fait commettre des crimes. De vrais malfaiteurs sont rares. Nombreux sont les condamnés à mort sans casier judiciaire auparavant ou des gens honnêtes dans leur vie. Dans les prisons ils sont redevenus en général des gens comme vous.
Lundi 29 octobre 2001
L’administration de la maison a installé dans les couloirs sept prises de courant qui alimenteraient des magnétoscopes, à l’intention des condamnés à mort dont la sentence a été confirmée. Grâce à cette installation, on augmentera la fréquence de vue des vidéos dans les cellules, on les fera regarder des programmes même les jours congés de la maison. Puisque la vue des programmes télévisés contribue beaucoup à la tranquillité de l’âme des condamnés à mort.
Le comité exécutif du groupe de soutien va organiser des réunions les unes après les autres. Le 28 octobre à Kyushu (dans le sud), le 11 novembre, à Tokyo, le 16 novembre au bureau central et le 2 décembre on réunira les membres de Kansai (dans l’ouest.) Tout cela, grâce à l’engagement de Madame S. Le démarrage de l’association rencontrera beaucoup de difficultés, mais ses démarches permettront de faire rouvrir mon dossier. Sur les activités du comité exécutif, veuillez lire les «Lettres du comité exécutif» qu’il publiera bientôt.
Mardi 30 octobre 2001
Les trois propositions de lois anti terroristes ont été adoptées hier, le 29 octobre. Le gouvernement japonais enverra des troupes de ses Forces de l’auto défense partout dans le monde où il le voudra. Leur mandat sera limité à l’arrière garde, mais tout est possible sur les champs de batailles. Dans des combats on tue ou bien on est tué. La Constitution interdit à l’État d’avoir aucune force armée. Mais ses Forces de l’auto défense constituent bel et bien une des armées les plus importantes du monde.
La Constitution « interdit aux fonctionnaires de l’État d’appliquer toute peine cruelle », mais l’État japonais continue à appliquer une peine homicide. Celle-ci consiste en des pratiques aussi cruelles que de faire tomber des condamnés à mort, une corde autour du cou. On laisse ainsi de côté la Constitution. Depuis longtemps, les élus de la majorité peuvent faire passer n’importe quelle loi à eux seuls, et l’opposition n’y peut rien. Cette situation n’est-elle pas bien dangereuse ?
Au petit-déjeuner, on a enfin distribué aux détenus une assiette pour recevoir des condiments.
Mercredi 31 octobre 2001
Ce soir je suis revenu au régime alimentaire ordinaire. J’étais passé à celui pour les malades à cause d’une peine dans la poitrine le 25 octobre. Le repas pour les malades consistent en bouillie de riz, si peu nourrissante, ne donne aucune forme. Le mal dans la poitrine a été causé par le stress et la frustration. J’ai eu une tension artérielle aussi haute que 160 en bas et 180 en haut, et cela m’a donné des coups dans la poitrine et la tête.
Les parlementaires coréens ont présenté hier un projet de loi pour l’abolition de la peine capitale. L’on s’attend à ce que la proposition sera acceptée puisque les abolitionnistes sont majoritaires à peu près à 80 pour cent (de tous les partis.) A condition de la faire passer par la commission des affaires légales et juridiques, dont les 70 pour cent des membres sont pour le maintien de la peine capitale. Depuis que le président Kim Dae-jung est arrivé à la tête du gouvernement il y a quatre ans, les Coréens ont arrêté l’exécution. L’on suspend l’exécution à la Taïwan aussi. La communauté internationale ne manquera pas de critiquer le gouvernement japonais, s’il continue à appliquer la peine de mort. Le Japon, qui se veut un état démocratique et un des pays les plus développés en Asie, sera isolé dans la région. Le premier pays d’Asie qui a aboli la peine suprême a été le Cambodge.
La proposition de la loi abolitionniste en Corée du Sud où soixante pour cent des gens sont pour le maintien de la peine capitale, serait l’aboutissement des efforts menés par les catholiques. J’espère qu’au Japon aussi les catholiques, protestants et bouddhistes intensifient leurs démarches pour l’abolition de la peine de mort.
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